Voix littéraires

Adèle O’Longh revient avec un roman surprenant qui  s'inscrit dans la grande tradition des récits de détectives anglo-saxons. E n revisitant le genre avec une généreuse touche de fantaisie alliée à un réalisme contemporain, elle réussit à concevoir l'une de ces œuvres inclassables que l'on est heureux de croiser. Dans la ville de Barcelone, l'autrice met en scène deux détectives privées très spéciales, une moniale zen d'une sérénité inébranlable et une jeune rockeuse désorientée mais dotée d'une grande acuité psychologique. Ces personnages, accompagnés d'une pléthore d'autres figures tout aussi excentriques,  dont certaines sont résolument fantastiques comme la chamano-sorcière Mani, réussissent à injecter de l'humour dans un récit polyphonique dynamique, et ce, malgré la gravité des thèmes abordés, tels que le harcèlement, la pédocriminalité et les féminicides. Est-ce l'effet d'un retour à ses racines  irlandaises ? Adèle O’Longh connaît se...

Le jour où Rose, l'héroïne tourmentée de ce deuxième roman de Sarah Jollien-Fardel, perçoit un murmure distant, une présence éphémère derrière la porte, et entend des extraits d'un livre de Marguerite Duras, un espoir fugace s’infiltre dans son univers de souffrance. Sera-t-il suffisant pour la sauver ? Chaque matin, le lever du jour est pour Rose un véritable défi. Elle lutte pour ne pas se laisser submerger par la brutalité du quotidien. Voilà trois ans qu’elle est prisonnière de la douleur dévorante qui a commencé au moment où des policiers lui ont annoncé la mort de sa fille, Anna. Cette peine a transformé Rose en un danger, non seulement pour elle-même, mais aussi pour autrui. Pour  lui éviter l'internement en hôpital psychiatrique, ses proches la gardent enfermée d ans une pièce aux murs couverts de bois où  elle vit attachée à une longe, prise dans le mur,  dans un isolement complet.  Rose s e retrouve engluée dans une solitude interminable où se mêlent regret...

Écrit par l'une des romancières les plus prometteuses de la littérature américaine contemporaine, L’ours ! L’ours ! est un roman saisissant. À travers une réflexion profonde sur notre quête de liberté et les aspirations qui nourrissent notre élan vers l'évasion, l'œuvre scrute les liens qui, tout en nous enrichissant, peuvent également nous retenir prisonniers. Le drame intime de Sam et Elena, deux sœurs à l'aube de leurs trente ans qui mènent une existence confinée, soumises aux contraintes du quotidien et aux souffrances d’une mère malade, se noue sur une île de l'État de Washington. Leur vie est un perpétuel combat, éclairé par le partage d'un rêve commun : s'échapper un jour de San Juan pour goûter aux promesses d'un avenir meilleur. L'apparition inattendue d'un ours, silhouette imposante et redoutable, vient troubler leur univers établi. Tandis que Sam, gagnée par l'effroi, ressent l'urgence de fuir cette vie qui les emprisonne...

Philippe Garnier dit avoir écrit ce court livre non pour faire revivre sa compagne Elizabeth, mais en hommage à cette femme étonnante qui a gardé jusqu'au bout le contrôle sur son destin en choisissant une approche délibérément éloignée du médical lorsqu'est tombé le diagnostic de cancer.  Durant neuf mois, isolés dans une maison entourée de séquoias en Californie du Nord, ils sont allés non pas vers une naissance, mais vers la mort d'Élisabeth, l’auteur occupant les rôles d’époux, accompagnateur, infirmier et cuisinier.  Le livre est une réflexion sur la vie singulière qu'ils ont partagée. Philippe Garnier, Neuf mois, L’Olivier

Le désastre de la maison des notables transcende plus de cinquante ans d’histoire tunisienne, évoquant la lutte pour l’indépendance et les combats pour les droits des femmes, jusqu’à la révolution de 2011, laissant une impression durable. En Tunisie, en 1935, le pays se trouve au cœur de bouleversements politiques, où deux familles bourgeoises, aux idéologies opposées, vont voir leurs destins se percuter. Les Naifer, connus pour leur rigidité et leur conservatisme, s'opposent aux Rassaa, ardents défenseurs du libéralisme et du progrès.  Une nuit de décembre à Tunis,  Zbeida Rassaa, la jeune épouse de Mohsen Naifer, est soupçonnée d’avoir une liaison avec Tahar Haddad. Cet intellectuel d’origine modeste est célèbre pour son militantisme syndical et ses idées novatrices en faveur des droits des femmes. Ce soupçon déclenche une série de répercussions qui marqueront les années à venir. À travers un entrelacement de récits, des membres des deux familles ainsi que leurs domestiques ...

Il faut bien aimer est le deuxième volume de l'édition du Séminaire d'Hélène Cixous, englobant une période riche et féconde de trois ans, allant de novembre 2004 à juin 2007. Inauguré en 1974 à l'Université Paris 8 Vincennes, ce Séminaire s'inscrit comme un jalon essentiel dans le panorama intellectuel français des cinquante dernières années, aux côtés d'éminents penseurs tels que Derrida, Foucault, Lacan, Barthes et Deleuze. Au cœur de ce texte foisonnant et hybride, Proust apparaît comme l'une des figures centrales, tandis qu'Hélène Cixous lui-même s'exprime souvent à la première personne, donnant à son analyse une dimension narrative captivante. Parmi les autres voix remarquables qui ponctuent cette œuvre — à l'instar de Balzac, Beckett, Benjamin, Flaubert, Freud, Goethe, Hofmannsthal, Hugo, Kafka, Lispector, Montaigne et Rimbaud — Jacques Derrida se distingue particulièrement. Ce dernier participe même à un passionnant « duel » intellectuel ave...